Cher toi,
JâespĂšre que tu vas bien.
Nous sommes dĂ©jĂ en fĂ©vrier et je ne tâai pas Ă©crit un mot depuis dĂ©but janvier. LâannĂ©e avait commencĂ© plutĂŽt dans le calme jusquâĂ lâannonce des dates de mes deux plus grands projets de lâannĂ©e au travail : une levĂ©e de fonds et un passage tv, 2 jours Ă la suite.
2 semaines et demi pour prĂ©parer tout ça et pof, jâai encore envoyĂ© valser tous les piliers de mon Ă©quilibre. đ
Alors Ă lâapproche fatidique des dates de lancement (4 et 5 fĂ©vrier), jâaimerais utiliser cette newsletter pour te raconter la pĂ©riode oĂč jâai « quasi » fait un burn-out.
« Quasi » car je nâai pas voulu aller chez le mĂ©decin donc pas de diagnostic. Peut-ĂȘtre que câen Ă©tait un, peut-ĂȘtre pas.
Une auto piqûre de rappel pour prendre conscience des comportements ayant précipité cet état.
PS : Ăa y est, jâai terminĂ© mon 1er vlog. Il sortira Ă 18h ce soir sur ma chaĂźne Youtube. CâĂ©tait un exercice intimidant, pour un rĂ©sultat assez dĂ©cousu mais je suis preneuse de tes retours pour mâamĂ©liorer. âš
đŒ Juillet 2022 : je ne ressens ni la joie, ni la peine.
1 semaine avant les vacances dâĂ©tĂ©.
Dehors, le soleil normand est au beau fixe. â
Câest la canicule, mais 30°C max Ă Cherbourg.
Jâentends les voisins tondre la pelouse pendant que je travaille dans les combles sous une chaleur intenable.
Jâai tellement chaud que je suis trempĂ©e, mais jâai besoin de mon PC fixe pour relire le dossier pĂ©dagogique que jâai rĂ©digĂ© pour un magazine.
Jâai 1 semaine pour faire ce dossier. 2 jours allouĂ©s, en rĂ©alitĂ©.
Je chronomĂštre toutes mes tĂąches.
Si je sors dehors, je ne vais pas réussir à terminer à temps.
On est vendredi, je suis en vacances ce week-end et jâai une tonne de travail Ă terminer pour partir sereinement.
Je dois prendre 2 semaines dâavance pour que lâentreprise ne soit pas impactĂ©e par mon absence.
Dossiers pour des magazines, emailings, articles de blog, lancement produit et onboarding de mon alternante qui passe en CDI dÚs septembre⊠il reste beaucoup à faire.
En plein aprĂšs-midi, mon corps se met Ă pleurer sans que je puisse le contrĂŽler.
De longues minutes de sanglots.
Je continue ma rédaction.
Je nâarrive plus Ă rĂ©flĂ©chir et mes doigts picotent.
Je respire vite.
Minuit passe, jâĂ©teins mon ordinateur.
Mon compagnon dort dĂ©jĂ , il a arrĂȘtĂ© de mâattendre.
Je me sens vide et sans émotion.
Ăa fait des mois que je ne ressens ni joie ni peine.
Ma nutritionniste mâa conseillĂ© de prendre quelques complĂ©ments pour recrĂ©er certaines connexions liĂ©es aux Ă©motions.
Je ne suis plus heureuse de réussir quelque chose.
Je ne ressens rien lorsque je vois un paysage incroyable Ă lâautre bout du monde.
Je nâai plus aucune libido (oui, faut en parler).
Je ne veux plus voir personne.
Je lutte pour sortir de mon lit le matin.
Jâoublie tout. Je sors une tasse pour me faire un cafĂ©, jâallume la machine, je pose ma tasse et je repars. Jâai oubliĂ© de faire mon cafĂ©. Je reviens, je mets le cafĂ© dans la machine, et je repars. Jâai oubliĂ©, de nouveau.
Jâai parfois envie de dĂ©brancher mon cerveau tellement je me sens envahie de pensĂ©es sans avoir lâĂ©nergie de les traiter.
Pendant 2 semaines, je pars en vacances en Italie, en train. đ
Sur place, je suis épuisée.
Je lis, je visite, je mange.
Milan, Lac de CĂŽme, Bologne, Venise⊠câest magnifique mais je ne ressens plus lâeuphorie que jâavais Ă 20 ans.
Pourtant, jâai tout juste 27 ans.
Câest beau, mais je mâen fou. Je suis limite déçue. La honte.
Pendant mes vacances, je me mets Ă rĂȘver de crĂ©er et de vivre de mon propre mĂ©dia. JâĂ©labore des brouillons.
Je me dis que travailler au Drive pourrait aussi ĂȘtre une solution.
đŒ Septembre 2022
De retour au travail, la fin dâannĂ©e est chargĂ©e.
La nouvelle personne ne peut finalement pas arriver de suite.
ProblÚmes de santé.
Jâaccumule de nouveaux projets.
Câest de pire en pire.
Jâai lâimpression de mâenfoncer dans le brouillard.
Je ne veux plus me lever, je nâarrive plus du tout Ă rĂ©flĂ©chir, je commence Ă bosser Ă 9h et Ă partir de 17h, jâaccĂ©lĂšre pour faire toutes les taches de ma to-do list jusquâĂ minuit.
Je pleure encore.
Je mâengueule avec mon compagnon pour rien.
Les semaines sont longues et il ne me reconnaĂźt plus.
Nous vivons sous le mĂȘme toit et pourtant, câest comme si nous vivions seuls.
đŒ Octobre 2022
Jâaccueille la personne dans lâĂ©quipe.
Et Ă partir de lĂ , tout sâaccĂ©lĂšre.
Soucis de santĂ© pour cette personne, arrĂȘts maladie, perte de confiance en elle malgrĂ© le temps de formation et les annĂ©es dâalternance.
Les missions ne la stimulent pas, et câest vrai quâelle nâa pas signĂ© pour le job quâelle faisait en alternance. Nouveau job. LĂ , ce nâest plus crĂ©atif, câest technique.
De mon cÎté, je me sens nulle malgré le temps que je passe à la former et à la rassurer.
Je passe des heures le soir Ă corriger et je me dis que je suis une mauvaise manager.
Que je ne mĂ©rite pas de lâĂȘtre.
Que je ne veux plus jamais lâĂȘtre.
Je pleure derriÚre mon écran.
Je nâen peux plus.
Je ne sais pas comment lâaider plus, comment apporter un soutien psychologique Ă cette personne avec qui jâai passĂ© 2 superbes annĂ©es.
On a juste enchaßné les mauvaises passes chacune de notre cÎté.
Câest un peu le « pas de bol ».
đŒ Novembre 2022
Je nâen peux plus.
Jâai envie dâinsulter la Terre entiĂšre.
Jâai lâimpression dâĂȘtre coincĂ©e dans ce schĂ©ma qui me tue Ă petit feu.
Je commence Ă me grignoter lâintĂ©rieur des joues en continu.
Je nâarrive plus Ă dormir.
Je culpabilise trop Ă lâidĂ©e dâaller voir un mĂ©decin.
Je ne veux pas ĂȘtre en arrĂȘt maladie, je ne veux pas laisser tomber lâĂ©quipe.
Je suis là depuis le début.
Je me dis que je suis capable dâaffronter tout ça, quâil faut juste que je me repose un peu.
AprÚs tout, ils font comme ça, les entrepreneurs.
Je dois aussi en ĂȘtre capable, mĂȘme si je nâen suis pas une.
Mais je continue de pleurer, de bosser et à la maison, je ne fais plus rien et me réconforte dans la nourriture.
Je mange des pĂątes Ă mâen faire vomir pour combler le vide dâĂ©motion.
Je prends 10kg en 3 mois.
Et en mĂȘme temps, je me dis « Je serais lĂ jusquâau bout pour mes collĂšgues. ».
Le truc, qui est certainement le plus grave : câest que je nâen parle Ă personne au travail.
Personne nâest au courant de mon Ă©tat car en visio, je reste souriante et sĂ»re de moi.
Je veux montrer que jâai les Ă©paules solides.
Je veux faire mes preuves, me sentir légitime.
Alors je continue dâaccepter de nouveaux projets.
On arrĂȘte un contrat avec une agence et je reprends toute la charge de travail.
Une de plus.
đŒ DĂ©cembre 2022
Un matin, jâouvre les yeux et la dĂ©tresse sâest transformĂ©e en colĂšre.
Jâai envie de tout plaquer.
Je me dis que ça ne sert Ă rien de se dĂ©truire pour une entreprise qui ne mâappartient pas.
Jâai envie de tout arrĂȘter, de dĂ©missionner et de ne plus rien faire.
Et en mĂȘme temps, quand je regarde dâautres offres dâemploi, rien ne me donne envie, rien ne me fait autant vibrer que ce projet.
Je ne mâimagine nulle part ailleurs.
Jâai un mĂ©tier qui a de lâimpact sur un projet que jâadore et qui a du sens.
Plus les jours passent, plus je commence Ă prendre du recul et Ă en parler Ă mes proches.
Je me suis juste cramée en pleine course.
Je ne me suis jamais reposée.
Je nâen avais pas envie.
Je me rends compte que jâai dĂ©veloppĂ© un attachement malsain Ă mon travail pour me sentir utile et fuir tout ce que je nâavais plus depuis mon dĂ©mĂ©nagement de Versailles Ă Cherbourg :
Plus dâamis proches.
Plus de petits moments pour boire un verre entre amis le soir.
Plus dâargent Ă cause de mes deux achats immobiliers (principal et locatif) tous deux en rĂ©novation.
Plus de salle de sport depuis mon déménagement et les confinements.
Plus aucun hobby.
Depuis mon déménagement et le confinement, je suis seule.
Seule, avec mon anxiĂ©tĂ© sociale qui mâempĂȘche de crĂ©er de nouveaux liens ou dâaller dans des lieux publics. Jâai peur de marcher dans la rue, peur des regards au restaurant.
Je ne sais pas par quel cheminement, jâose en parler Ă lâun des fondateurs de la boĂźte.
Parce que je lui fais confiance.
Mais en mĂȘme temps, jâai peur dâadmettre que jâai craquĂ©.
Peur quâil se dise « peut-ĂȘtre quâon lâa surestimĂ©e » comme on lâavait dit Ă ma tutrice dâalternance en 2015.
Peur dâĂȘtre remplaçable.
Je me suis imaginée tous les scénarios possibles.
Jâai imaginĂ© le pire alors quâau fond je sais que ce sont des personnes bienveillantes.
Au final :
Cette conversation a Ă©tĂ© lâĂ©lĂ©ment qui mâa sauvĂ©e.
Jâai dĂ©ballĂ© tout mon sac.
Mes émotions, mes pensées, mon envie de tout lùcher.
Et minute aprÚs minute, on a trouvé une solution à chacun de mes problÚmes.
Jâai listĂ© toute la charge de travail en trop, sur des sujets oĂč je nâapportais pas de valeur, et on les a dĂ©lĂ©guĂ©s. Il y a mĂȘme eu des recrutements dans dâautres Ă©quipes.
On a parlĂ© des prioritĂ©s et des sujets que je pouvais laisser tomber car ils avaient moins dâimpact immĂ©diat sur le projet.
On a parlé de la situation managériale, avec la personne concernée et avons communément décidé de faire chacune notre chemin de notre cÎté. Du temps pour se remettre, pour trouver une voie qui lui plairait mieux.
Dâun coup, je me suis sentie lĂ©gĂšre⊠apaisĂ©e.
Jâai compris que la boĂźte ne sâarrĂȘterait pas de tourner sans moi, que je ne sauvais pas des vies et que tout le temps que je consacrais « en trop » au travail Ă©tait du temps de ma jeunesse que je ne rĂ©cupĂ©rerai jamais.
đŒ Juin 2023
Suite Ă ces discussions et jâimagine dâautres facteurs, 2023 aura Ă©tĂ© lâannĂ©e oĂč nous avons mis en place la Semaine de 4 jours, en 32h et sans perte de salaire.
Un outil pour faire ralentir ceux qui se donnent trop.
Un outil pour décompresser et surtout repenser son rapport au temps.
2023 aura été une année de renaissance.
Jâai appris Ă lever le pied.
Jâai appris Ă me dĂ©tĂącher.
Jâai appris Ă penser un peu plus Ă moi.
Jâai appris Ă dire non.
Jâai appris Ă me reposer sur mes collĂšgues.
Et cela a Ă©tĂ© le dĂ©clencheur de cette newsletter âFunambuleâ que jâai publiĂ©e pour la premiĂšre fois en janvier 2024 pour poursuivre cette quĂȘte dâun Ă©quilibre de vie plus sain.
Ces mois de détresse vécus en 2022 sont loin derriÚre moi.
Je nâai jamais ressenti ces Ă©motions aussi intensĂ©ment quâen 2022, mĂȘme sâil mâest arrivĂ© dâavoir quelques phases de rechute.
Aujourdâhui je nâai plus peur de penser Ă moi, de dĂ©connecter, de sociabiliser, mĂȘme plus peur de perdre mon travail si cela devait arriver un jour.
Je me dis que je donne le meilleur de moi-mĂȘme dans les limites que je me suis imposĂ©es, mĂȘme si je mâautorise parfois Ă les franchir lors de gros projets. Câest aussi ça, ce qui me fait vibrer dans lâunivers startup : le travail sous pression.
Câest lĂ que je donne le meilleur de moi-mĂȘme.
Maintenant, je sais quâen abuser aura lâeffet inverse et que jâai besoin de me mĂ©nager 80% du temps pour tout donner les 20% restants, lors de moments bien choisis.
Alors si tu es dans la mĂȘme situation, sache quâil est possible de sâen sortir :
en allant voir un mĂ©decin, car si ton corps tâenvoie des signaux, câest quâil ne va pas bien.
en parlant avec transparence Ă tes managers, quâils aient lâintelligence de tâĂ©couter ou non.
en prenant du temps pour réfléchir à tous les facteurs qui ont entraßné cette situation.
en définissant des limites au-delà desquelles tu te mets en danger.
en prenant du temps pour toi, car aprĂšs tout, câest toi, le personnage principal de ta vie.
et parfois, la dĂ©mission, aussi dure Ă vivre quâelle soit, peut ĂȘtre la solution qui te permettra de souffler et te rĂ©inventer. Quitte Ă trouver un job alimentaire.
GrĂące Ă Funambule, jâai pu recevoir de nombreux tĂ©moignages de personnes ayant vĂ©cu un burn-out. Câest destructeur, câest terrible pour la confiance en soi, les signaux Ă©taient parfois lĂ depuis longtemps sans quâon ne sâen rende compte. Souvent, nos proches le voient mĂȘme avant nous.
Mais au bout du chemin, il y a toujours une voie pour se rĂ©inventer. Parmi tous les tĂ©moignages reçus, vous ĂȘtes nombreux Ă avoir repensĂ© votre quotidien POUR VOUS : plus de sport en pleine nature, dĂ©mĂ©nagement, changement de carriĂšre.
Jâai imaginĂ© Funambule pour crĂ©er un espace dâĂ©change bienveillant, alors si vous avez vĂ©cu une situation similaire ou ĂȘtes en plein dedans, nâhĂ©sitez pas Ă parler de votre expĂ©rience en commentaire. Vous ne pouvez pas imaginer Ă quel point vos mots peuvent en aider certains. đ§Ą
En ce moment je me suis mise un peu dans le rouge pour les jalons les plus importants de lâannĂ©e, mais je sais quâĂ partir du 7 fĂ©vrier, je vais ralentir. Câest la limite que je me suis fixĂ©e.
Je te souhaite une bonne semaine et Ă trĂšs vite,
Margaux.
Ton texte est vraiment prenant. Je me retrouve tellement dans ce que tu dĂ©cris. Le burn out je lâai vĂ©cu en 2022, comme toi. Je ne remercierais jamais assez ma psy et mon mĂ©decin traitant de mâavoir offert des safes places sans jugements. Je vais aller mâabonner Ă ta chaĂźne. Bravo pour tout ce que tu as mis en place depuis. Ne perds pas tes prioritĂ©s de vues et prends soin de toi toi surtout, câest le plus important.
Merci Margaux pour ton tĂ©moignage, si important. Heureuse de lire que tu as Ă©tĂ© bien entourĂ©e, que de nouveaux automatismes ont pu ĂȘtre mis en place, pour ton bien, et celui de la structure. Et que cela t'ai permis de prendre du recul et revoir ce qui Ă©tait important pour toi, et comment recrĂ©er un Ă©quilibre, ça n'est pas simple...
Et ces tĂ©moignages sont importants, vraiment : ma soeur de coeur s'est enfoncĂ©e dans une dĂ©pression Ă la suite de son burnout, dont ni proches ni mĂ©decins n'ont pu la tirer, et elle y a laissĂ© la vie. Si elle avait lu des mots comme les tiens, elle aurait peut-ĂȘtre pu comprendre ses propres maux, et voir qu'au bout de ce chemin complexe, la joie et l'Ă©quilibre peuvent ĂȘtre Ă nouveau lĂ . Je te souhaite donc pour 2025 (mĂȘme si la date est officiellement dĂ©passĂ©e) de l'Ă©panouissement, des petits et grands bonheurs, du fun, de la dĂ©couverte, de l'Ă©quilibre, et juste ce qu'il faut de passion pour ton activitĂ©. Et de continuer Ă oser dire, et ĂȘtre Ă©coutĂ©e et entendue.