Cher corps, je suis désolée pour tout ce que je te fais subir.
#25 Orthorexie, alimentation émotionnelle & stress chronique.
Note : Cette édition est différente et plus intime que d'habitude, car je l'écris en dernière minute, sans y avoir réfléchi. J'avais envie de laisser les émotions se coucher d'elles-mêmes. 🧡
Cher corps,
Il y a 17 ans, alors que je n’avais que 13 ans, j’ai commencé à avoir honte de toi.
Déjà, parce qu’on rigolait de tes dents du bonheur.
Mais je me souviens surtout que lorsque je m’asseyais, je soulevais volontairement tes cuisses de la chaise pour qu’elles paraissent moins grosses.
À 13 ans, je te malmenais déjà, et je ne sais même pas pourquoi.
Surement une remarque des garçons du collège.
Je me souviens qu’à cette époque, on appréciait tes yeux bleus et ton grand sourire.
On te le disait souvent, mais je ne me suis jamais attardée sur ce compliment.
Tout ce que je retenais, c’est que tu avais de bons cuissots.
Le truc, c’est que j’adorais manger.
J’aimais te nourrir de plats délicieux et réconfortants cuisinés par maman.
Pas de bol, on n’a jamais trop fait de sport à cet âge, hormis le sport imposé à l’école.
À cette époque, je me disais même que tes cuisses et tes fesses larges étaient la conséquence de l’équitation, car on appelait ça “la culotte de cheval”.
Au lycée, j’essayais de te contrôler de loin.
Je te nourrissais en me faisant plaisir, mais dans un coin de ma tête, je me disais :
Ne dépasse pas 50 kg.
J’ai réussi à t’affiner, mais dans un contexte malsain :
Vers 16 ans, j’ai commencé à ressentir mes émotions intensément.
Joie extrême, puis tristesse profonde.
Mon premier copain m’avait coupé de mes amis et flirtait avec d’autres filles dans mon dos.
J’étais seule et triste.
C’était nul, comme première expérience amoureuse.
À cause de ça, j’ai découvert que te faire du mal physiquement m’aidait à extérioriser la douleur mentale.
Le truc bizarre, c’est qu’en parallèle de ma tristesse, j’étais tellement fière, dans les vestiaires des filles, de porter un jeans taille 34, comme toutes les autres filles de mon âge.
Jusqu’au jour où il a craqué.
J’ai dû ranger mes jeans dans un placard en me disant :
“Je vous garde, je pourrai vous reporter un jour.”
Après cela, j’ai commencé à prendre la pilule et tu t’es transformé.
Encore plus arrondi.
Encore plus en chair.
51, 52, 53, 54 kg.
Aïe.
Maman & les réseaux sociaux.
Vers l’âge de 15 ans, je crée un compte Instagram et j’observe ce qu’il s’y passe.
Je découvre ces filles venues droit des US ou UK.
Leurs tenues sont terribles, mais sur toi, à cause de tes cuisses, ça rend moins bien.
Les pantalons à carreaux, ça grossit.
Les Doc Martens, ça fait un effet poteau à cause de ta petite taille.
À côté, il y a maman, qui est aussi matrixée que moi… et je pense qu’elle n’y peut rien, car elle a dû, elle aussi, subir des jugements sur son corps étant plus jeune.
Ça ne m’aide pas à bien te traiter.
J’ai presque atteint les 60 kg, il faut descendre !
T’as vu, j’ai perdu 1 kg ! (phrase que j’entends encore aujourd’hui tous les mercredis à la piscine…)
Pourquoi c’est si compliqué ?
Pourquoi n’as-tu pas hérité d’une génétique fine ?
Pourquoi ne m’a-t-on pas inculqué l’importance du sport étant petite ?
Pourquoi un Pim’s framboise me procure-t-il plus de plaisir qu’une session du sport ?
La frénésie du sport.
Arrivée en études supérieures, je ne me sens pas jolie.
Cher corps, je ne suis toujours pas à l’aise avec toi.
En plus de ça, la frénésie du sport gagne Instagram… et me gagne aussi.
Je découvre les sportives australiennes et les programmes de sport en 4 mois.
Je commence à supprimer le sucre industriel, courir, faire du yoga, du rameur, de la corde à sauter et des séances de HIIT.
Je crée un compte Instagram secret où j’y publie mes assiettes, mon corps, mes réussites.
Les abonnés augmentent et ça me réconforte dans ma démarche.
Je fonds et descends à 48 kg.
Dans ma tête, je me dis :
“Enfin !! J’ai réussi !”.
On m’a même fait des compliments en cours.
La réalité, c’est que je t’ai fait souffrir physiquement à cause d’un rythme intense.
Pour dire, sans même avoir d’enfants, les mauvais abdos et la corde à sauter t’ont obligé à faire de la rééducation du périnée… 2 fois.
Les troubles alimentaires.
J’ai continué le sport par la suite en allant à la salle pour faire de la musculation, puis du powerlifting.
Le truc, c’est que je n’avais pas remarqué que j’avais débloqué des troubles alimentaires au passage.
Pas d’anorexie.
Pas de boulimie.
De l’orthorexie.
Une obsession à manger sain et à bannir les aliments “malsains”.
Pendant les 8 années suivant la découverte des programmes de sport, donc de 2014 à 2022, j’ai noté dans des carnets TOUT ce que je mangeais.
Je surlignais en rouge les mauvais aliments et en vert, les bons aliments.
Et le pire pour le moral : je reprenais du poids à vue d’œil malgré des heures passées à la salle.
Je suis tellement désolée de t’avoir infligé cela.
Le stress chronique & la sédentarité.
Juste avant le confinement, je décide de me faire aider pour t’aider toi.
Une nutritionniste m’aide à déculpabiliser.
J’apprends à te nourrir normalement, en mangeant de tout.
Après 2 ans de suivi, j’y arrive.
Je me permets des fast food sans culpabiliser toute la nuit.
Je mange des pâtes au pesto sans m’empiffrer jusqu’à avoir mal à l’estomac.
Je mange équilibré.
Mais le poids ne descend pas… car d’autres réactions te font du mal :
J’ai arrêté le sport.
J’ai arrêté la pilule.
Je travaille assise.
J’ai développé un stress chronique.
Je suis devenue végétarienne (et j’ai compensé avec les féculents).
À cause de moi, tu es passé d’une activité physique intense à… rien du tout et je t’ai emmené à l’extrême opposé.
L’alimentation émotionnelle.
Pour calmer mon anxiété, j’ai commencé à manger pour me réconforter.
0 grignotage… mais des quantités trop importantes pour toi, sans culpabiliser.
Dans un coin de ma tête, je sais que je te fais du mal.
Mais je n’arrive pas à m’arrêter.
La journée a été compliquée ?
Un fast food veggie.
On a atteint un objectif travaux ?
On se fait un bon restaurant.
Je t’ai réglé comme une horloge, à te nourrir à heure fixe, même si tu n’as pas besoin d’énergie.
La mauvaise santé.
Aujourd’hui, 68 kg pour 1m57 et je sens que tu n’es pas en forme… même si ça s’améliore grâce à la marche, à la randonnée et à la course à pied que je pratique, pour la première fois, par plaisir.
Je sais que tu n’es pas en forme, car je le sens physiquement, mais aussi car les examens gynécologiques ont parlé.
La semaine dernière, tu as subi une biopsie et la douleur a été tellement forte que tu as arrêté de me porter. Tu t’es déconnecté.
J’attends encore tes résultats, mais j’ai peur de te faire opérer et d’encore te faire subir quelque chose.
Je n’ai plus envie qu’on t’ausculte ou qu’on te touche.
J’ai envie qu’on te laisse tranquille.
Je crois qu’il est temps qu’on prenne soin de toi.
Je suis désolée.
Aujourd’hui, en 2024, à l’aube de mes 30 ans, je te fais encore souffrir.
Je suis désolée de t’avoir fait passer d’un extrême à l’autre et de te considérer comme un boulet à traîner plutôt qu’un coéquipier capable de me faire marcher, courir, randonner.
J’ai envie d’apprendre à t’aimer, à te donner les nutriments dont tu as besoin pour bien m’accompagner dans la vie… mais je lutte contre mes démons depuis des années et je n’arrive pas à m’en séparer.
Je suis perdue, et en même temps, après 2 suivis nutritionnels, je sais ce que je dois faire.
Les répartitions dans l'assiette, les protéines, l’importance de tous les aliments, le plaisir, l’organisation pour anticiper… mais je n’y arrive pas.
J’ai repris la course à pied par plaisir, mais mes émotions sont plus fortes que moi et je ne sais pas comment retrouver un rapport sain à la nourriture.
Cher corps, je suis désolée pour tout ce que je te fais subir.
Je vais essayer d’apprendre à t’aimer et je crois que cela fait partie des clés pour réussir à trouver un bon équilibre de vie.
Si je veux prendre soin de moi mentalement et physiquement, je dois améliorer notre relation.
Margaux
Si tu te reconnais dans ce texte, j'espère que l'on pourra avancer ensemble pour retrouver un rapport sain à l'alimentation et à notre corps. Si tu es passé.e par là, n'hésite pas à partager ce qui a fonctionné pour toi. Et si tu n'as pas vécu cette situation, peut-être que ce récit permettra de sensibiliser à l'importance de ne pas juger le corps des autres. 🧡
Si tu as aimé ce format plus intime, n’hésite pas à appuyer sur le cœur pour envoyer de la force !
À dimanche prochain pour le récit d’1 semaine chez Pimpant en mode vlog écrit (d’ailleurs j’ai investi dans une caméra… peut-être qu’on se retrouvera sur Youtube un jour !).
Bonne semaine,
Margaux
Ça m'a ému aux larmes 😢
Je me reconnais dans tellement d'éléments que tu partages !
Bravo pour ce récit et merci. Personnellement, ça m'encourage à prendre soin de mon corps comme un TOUT (corps et mental), à améliorer ma relation à celui-ci, mais aussi à l'alimentation, à l'activité physique, au regard que je lui porte...et au regard d'autrui qui, je pense, est le plus destructeur. C'est, à mon avis, l'élément principal de nos maux, conjuguéedes injonctions sociétales. On est sûrement trop dur avec nous-mêmes mais nous sommes aussi trop dépendantes du regard de l'autre, de la société qui façonne des injonctions de corps "parfaits" mais aussi envers nos ambitions, nos choix de vie, à peu près tout ce qui fait de nous des humain·es !
Bon courage dans ce parcours semé d'embuches vers un apaisement de soi, nous ne sommes pas seules, loinde là (et c'est révoltant que nous soyons tous·tes autant touché·es!)
Tout d'abord bravo, car ce que tu as fait n'est pas facile, te livrer comme ça.
Tu peux en être fière, je suis moi aussi dans cette galère depuis pas mal d'année.
Il y a environ 6 ans, j'ai eu un déclic, j'avais perdu 35 kgs, je me trouvais belle, j'étais bien dans mes baskets comme on dit.... Puis je n'ai pas eu le temps de stabiliser que j'ai vécu un burnout professionnel... j'ai repris 40 kgs... j'ai continué encore et encore à grossir.
Encore aujourd'hui je me déteste, je viens d'avoir 40 ans, c'est de plus en plus dur, forcément...
Mais je ne désespère pas de revenir à un poids meilleur pour ma santé...
Courage à toutes.